wont give up. (a)

Il est parti à sa recherche depuis maintenant plus d'une heure. Le temps ne se compte pas à Andes, les téléphones portables, on les a jetés dans les bennes à ordures sur le chemin jusqu'ici, on se trouve, on se retrouve, on se suit à l'instinct, ou, comme dirait Nanaka, en écoutant le cœur. Pas « notre » cœur, non, « le » cœur. Dans la langue de Nanaka, rien ne nous appartient vraiment, tout est avant tout à Elle. Et lui aussi, il a accepté de tout lui donner, y compris son Ange. Léa n'existe plus vraiment, elle s'est transformée en Angeni, sans « e » à la fin, parce qu'elle est son ange, à lui. Il la donne à la nature de l'île, accepte qu'on la lui prenne, accepte de la chercher des heures durant, écartant les branches de la forêt, grimpant sur les rochers pour tenter de l'apercevoir. Avant? Avant, Léa aurait été liée à lui, attachée par des petites menottes représentées par son téléphone portable. Un texto pour savoir où elle est, avec qui, ce qu'elle fait, quand est-ce qu'elle lui revient. Maintenant, Angeni est libre de ne plus lui appartenir complètement. Comme à cet instant où il ne peut pas le rejoindre aussi facilement qu'il le voudrait, où elle redevient la femme inaccessible qu'elle était avant qu'il ne l'embrasse pour la première fois. Angeni ne s'est jamais donnée à lui, malgré ce qu'elle lui répète chaque soir. Il serait stupide de la croire. Là, alors qu'il est à sa recherche et s'éloigne du reste de la communauté pour se perdre dans la nature sauvage, il sait, plus que jamais, qu'il devra toujours la mériter. Marcher après elle. Toujours la retrouver quand elle aura, sans arrêt, le don de se perdre. Mais peu à peu, marcher pour rejoindre Angeni devient une option à refuser. Qui sait si le trajet qui le sépare encore d'elle n'est pas cent fois plus long que ce qu'il prévoit? Alors, l'aigle à tête blanche déploie ses ailes, et court jusqu'à elle. Ce n'est plus de la course, c'est du survol: son regard filtre les alentours tandis qu'il dépasse chaque lieu, chaque place, pour ne s'arrêter que lorsque sa présence l'arrête et l'encercle. Elle est ici, Angeni, il le sait, il la sent pour l'avoir si longuement respirée depuis qu'ils sont ensemble, l'un contre l'autre. Yeux fermés, sens ouverts, il saurait suivre n'importe où l'odeur pouponne de ses joues, le frais de ses cheveux fins, le sucré de son sourire entourant ses dents blanches. Ange est là, au creux des sources chaudes, son corps à demi enfoncé dans l'eau qui bouillonne lentement, ses bras entourant étroitement ses jambes, et il reste là, un infime moment, à la regarder en sachant qu'elle ne sait pas qu'il la voit. Si Nanaka pouvait lire son regard à cet instant, elle comprendrait ce qu'Ange ne comprend pas. Elle seule saurait déchiffrer les effluves de tendresse qui s'évadent de ses iris bruns tandis qu'ils détaillent ce dos nu sur lequel ondulent les cheveux dorés d'Angeni. Lentement, il descend des rochers jusqu'à elle, sautant d'une pierre à l'autre, jusqu'à ce, l'oreille aux aguets, elle se retour et cache sa poitrine de sa main en observant les alentours d'un regard sauvage – prête à prendre la fuite. Il sourit et se rapproche. Leurs regards se croisent, et celui d'Ange s'éclaire puis se voile. Alors il comprend. Il connait le chemin qu'a emprunté l'esprit d'Angie pendant son absence, il sait les doutes qui l'assaillent et les peurs qui l'encerclent quand il la laisse seule trop longtemps sans la rassurer, sans la serrer contre lui. Paco s'approche et s'accroupit derrière elle sans la toucher, frôle son épaule de ses lèvres, la sent frissonner contre sa chair et la regarde fermer les yeux. Il dépose un baiser contre sa peau, un autre au creux de son cou, et Ange retire ses mains de sa poitrine pour les enfoncer dans l'eau. Paco se défait de son jean et de son t-shirt qu'il jette près de lui, et se glisse derrière elle, enserre sa taille de ses mains, l'attire contre lui. Elle et lui, ça n'en finit jamais, ça n'a jamais commencé: ça a toujours été, quelque part au fond d'eux, et ce sera toujours là, même après la fin de la vie, même après les apocalypses et l'absurdité du néant, ça persistera là, comme un flocon lumineux miroite dans l'immensité, ça sera toujours là. Même quand il n'y aura plus personne pour en parler. Il enfouit son visage dans son cou, inspire son odeur tant chérie, caresse son ventre tandis qu'un jet d'eau brûlante s'échappe de la terre et éclate dans le ciel bleu comme pour célébrer dans un cri de joie leurs retrouvailles. Il ne dit rien mais il sait qu'elle a eu peur, comme à chaque fois, peur qu'il s'en aille et la laisse, comme les autres, peur qu'il l'oublie et en aime une autre, peur que son amour se perde sur le chemin, tombe par un trou au fond de sa poche. Il sait et ne dit rien. Est-ce qu'il l'aimerait toujours autant si Angeni n'avait plus peur? Si les brisures de son âme se soudaient soudain pour ne former qu'une surface lisse? Serait-il capable d'embrasser comme il le fait maintenant un corps sans la moindre fêlure? Non, panser ses plaies de ses baisers, lui murmurer à l'oreille qu'il l'aime, c'est ça le bonheur. Et ça dure, tu sais, l'éternité.

Il était là, si près et pourtant si loin. Il était là, entouré de personnes qu'elle ne connaissait pas vraiment. Il était là, rayonnant au milieu d'un groupe dont elle ne faisait pas partie. Alors qu'il restait, elle, elle faisait demi-tour. Lâchement. Elle tournait les talons, pour aller se réfugier dans une cachette qui lui était encore inconnue. Angeni, elle s'est effacée. C'est la fuite qu'elle a choisie. C'est la fuite qu'elle a préféré aborder plutôt que d'endurer cette vision anodine. Les yeux posés sur Paco, ce n'est plus l'homme qu'elle aime qu'elle aperçoit de loin. Ce n'est plus cet être tant aimé qu'elle a toujours retenu près d'elle, par peur de le perdre. Quand ses prunelles le cherchent du regard, ce n'est plus lui qu'elle détaille, mais la liberté qu'il est venu trouver. Cette liberté qu'il a désiré et qu'il a adopté en s'installant ici. Cette liberté qu'elle jalouse intérieurement, malgré elle. Ça se tortille parfois dans son cœur trop mou. Ça la tiraille soudainement, la forçant à détourner le regard. C'est la culpabilité qui l'anime à l'instant. Cette culpabilité fourbe qui lui fait prendre conscience que malgré toute la confiance qu'elle peut lui accorder, il y a toujours cette part de doutes qui ne s'effacera jamais. Les bras entourés autour de ses genoux, elle enfonce un peu plus son menton en fermant les yeux. Elle s'en veut, Angeni. Terriblement. Elle se demande parfois comment Paco fait pour la supporter. Elle qui n'a rien à offrir. Elle qui prend trop de place. Elle qui demande trop d'amour et qui ne sait pas réellement en donner en retour. La solitude qui l'enveloppe la fait douter. La rend anxieuse sans qu'elle ne puisse s'en échapper. Il y a cette vision qui lui revient sans cesse en tête. Ce visage souriant qu'elle chérit plus que tout. Ce visage si libre qu'elle ne sait plus comment retenir. Ici, elle peut palper sa liberté du bout des doigts. Les chaînes qu'elle lui a imposées pendant si longtemps ont disparu. Il a retrouvé la liberté qu'elle lui avait égoïstement prise. Et ça, ça lui fait peur à Angeni. Paco, il n'en est ressorti que plus grand de tout ça. Paco, il n'a jamais été aussi beau. Paco, il n'est plus réellement celui qu'elle a connu. Aujourd'hui, alors qu'elle se résigne à l'idée de le laisser entre les mains de la nature, elle sent qu'il lui échappe. Il s'en va, Paco, qu'elle se dit parfois. Il s'en va, loin d'elle. Il s'en va aimer de nouvelles choses, il s'en va trouver un rêve et peut-être même qu'il s'en va en aimer une autre. Encore plus fort qu'elle. Une autre plus jolie, une demoiselle au teint métissé comme il y en a tant ici. Une jeune femme beaucoup moins envahissante, plus mature, plus tout. Au fond d'elle pourtant, Angeni, elle connaît la vérité. Elle sait qu'il ne la laissera pas. Elle sait qu'en pensant fort, très fort à lui, il apparaîtra devant-elle. Comme par magie. Mais les doutes, ils sont toujours là. Les suppositions l'assaillent souvent, la déroutent maladroitement et ne font que renforcer encore un peu plus son amour déjà démesuré. Les entailles du passé se rouvrent, la malmènent férocement. Son cœur lui fait mal quand elle pense à Paco. Ce qu'elle aimerait, Angeni, c'est être assez forte pour s'arrêter de penser. Elle voudrait bloquer ses songes, les reléguer au second plan pour qu'elle ne souffre plus. Elle l'espère souvent, tente d'y parvenir, mais se confronte à un mur infranchissable. Penser, elle ne sait faire que ça. Espérer, rêver. Pourtant, ses pensées, alors qu'elles manquent de dériver une nouvelle fois de la bonne voie, sont soudainement coupées. Elle se retourne vers le bruit entendu, cachant sa poitrine dénudée à l'aide de ses bras. Et ce qu'elle voit Angeni, cette seule image qu'elle apercevra toujours, qu'importe le lieu, c'est lui. Paco. À la fois soulagée de le retrouver là, et gênée à l'idée d'avoir douté alors que ses pas l'ont ramené vers elle, elle se retourne sans dire un mot. Elle sait qu'elle n'est qu'une idiote. Elle n'a pas le droit de douter. Elle ne peut pas. Pas alors qu'il revient à chaque fois. Son cœur crie au fond d'elle pour la ramener à la raison. Il t'aime, qu'il lui crie sans cesse pour la rassurer. Il t'aime, qu'il lui crie à l'instant tandis qu'elle sent ses lèvres frôler sa peau. Elle frissonne à ce toucher, resserre son étreinte autour d'elle pour faire calmer ses tremblements. Elle ferme les yeux en sentant ses baisers. Elle les laisse la pénétrer, elle les laisse s’immiscer en elle sans éprouver la moindre rancune. Tant pis qu'il l'ait laissé trop longtemps, tant pis qu'il l'ait oublié pendant quelques heures, maintenant, il est là. C'est tout ce qui compte. Ses mains retombent dans l'eau chaude et tandis que Paco s'installe derrière-elle pour l'attirer jusqu'à lui, elle se laisse faire. Elle garde les yeux fermés, Angeni. Elle se nourrit de ses caresses sans ouvrir la bouche. Elle laisse l'absence être comblée par sa tendresse. Cette tendresse qu'elle serait même prête à quémander si soudainement, il décidait de faire marche arrière. Alors qu'elle avait arrêté de respirer, elle reprend enfin son souffle et rouvre les yeux. Lentement, elle attrape ses mains entre les siennes pour les porter à ses lèvres. Elles les déposent lentement, une seule fois. Puis deux. Elle esquisse un sourire contre sa peau et pose un instant sa joue dessus. « Tu m'as manqué. » Qu'elle murmure par pudeur, effrayée à l'idée de lui montrer toute l'étendue de ses peurs. Tu m'as tellement manqué. Qu'elle voudrait dire. Mais elle ne le dira pas. Paco, il sait. Il sait tout ce que cette simple phrase représente pour elle. Il sait que malgré la distance qu'elle garde encore, bien malgré elle, elle ne peut pas se détacher de lui. Il sait qu’inévitablement, s'il n'était pas venu la retrouver, c'est elle qui serait venue jusqu'à lui.

Eux, n'est jamais pleinement nous. La symbiose amoureuse, elle n'existe que dans les livres et les esprits des poètes. Il n'a jamais cru en cet amour qu'on lit et qu'on chante, qu'on vend et qu'on prête avant de le reprendre, abimé, bosselé. Eux, ils ne forment jamais qu'un, au contraire. Ils se heurtent chaque jour l'un contre l'autre, face à face, dos à dos, il la cherche et elle l'attend. Sa bouche dépose un baiser contre ses doigts et il la serre un peu plus contre lui, comme s'il voulait enfouir son cœur à l'intérieur d'elle pour grossir le sien – il sait bien que c'est impossible, et qu'il ne leur reste que ça: les mots, les baisers, les caresses. Les regards qui s'étreignent et puis se fuient. Il l'a vue l'observer, tout à l'heure, pendant qu'il racontait cette histoire stupide et drôle à Iye, Niman et les autres. Du coin de l'œil, il a aperçu sa silhouette au loin le couver de ses yeux sauvages. Elle l'aime et lui laisse sa liberté, elle se laisse détacher de lui, même quand ça lui brise le cœur, elle s'oblige à partir parce qu'elle croit qu'elle le doit. Et il ne la poursuit pas. Il aurait pu lui courir après, tout à l'heure, la rattraper et lui dire qu'il serait bien incapable de vivre une seconde sans elle, mais à quoi bon? Ange aurait sourit, mais sa culpabilité l'aurait hantée des jours, des nuits. Ange se sent de trop dans leur nous, et sans ce sentiment, Ange ne serait pas Ange. Sans ses pas dans les siens jusqu'aux sources brûlantes, il n'y aurait pas de nous. Sans ses lèvres contre ses mains, pas de frissons, pas de bienêtre à en avoir la tête qui tourne et explose comme un jet d'eau chaude. Paco embrasse la peau d'Angeni et caresse son dos, ses épaules, lui parle à l'oreille comme on murmure au vent sans être jamais sûr qu'il entende vraiment. « Avant de nous présenter, Iye m'avait prévenu que quand on te rencontre, on tombe amoureux de toi. On t'aime à ne plus pouvoir te quitter. » Ses mains pressent doucement ses épaules et ses lèvres parcourent sa nuque. C'était vrai. Ange a les yeux verts, verts comme deux lagons d'eau pure, et des cheveux bruns, bruns comme les siens. Il en a rêvé longtemps, de cette fille, il l'a longtemps poursuivie au travers des ombres de chair et de fumée. C'était vrai. Il en avait aimé des dizaines sans jamais la trouver. Il s'était regardé lui-même dans les reflets de ces iris pâles, en la cherchant, là bas dans le creux de l'âme. Il y en avait eu d'autres, et jamais la bonne. Autant de trophées que le temps froissait. Des fantômes du passé, qu'il n'arrivait plus à voir, pas même en rêve. Angeni, il l'avait tant demandée, tant espérée, qu'une étoile avait peut-être entendu sa prière. Il faisait semblant de pouvoir vivre seul. En cœur de pierre. Il se moquait des femmes, quand son âme criait le nom de celle qui n'existait pas. Il redessinait ses femmes, effaçait leurs courbes, en façonnait d'autres, tentait de faire de ces poupées d'argiles des statues à la hauteur de son rêve. Angeni était venue se lover dans ses bras, en réponse à ses appels, ses désirs ardents, comme la goute de pluie tant attendue par la terre desséchée. Il l'avait avalée goulument, se repaissant de la joie qu'elle lui procurait, de la nouvelle destinée que ses pas traçaient sur ce qui serait leur chemin. Paco plonge, lui tourne autour, se redresse et apparaît devant elle. Ses deux mains enserrent doucement son cou et il s'approche d'elle. « Je le crois, tu sais. Je l'ai jamais autant cru. » Il secoue la tête sans la quitter du regard, l'embrasse les yeux ouverts. Il sait, elle sait, qu'il n'en sera jamais rassasié, qu'il en aura toujours quelque part en lui pour l'aimer. Il forme ses paroles silencieuses dans son baiser, laisse sa tendresse se glisser contre ce fil d'Ariane. Il sourit et ferme enfin ses yeux, l'embrasse passionnément. Ce soir, ils organisent une soirée sur la place, il sait qu'elle sourira. Qu'elle dansera avec lui comme si les autres n'existaient pas. Il sait qu'elle deviendra Ange aux cent visages, que celui qui rira prendra de nouvelles couleurs et qu'elle le surprendra, comme chaque jour depuis qu'il l'a vue pour la première fois, et qu'il a reconnu son idéal en posant ses yeux sur elle. Ses lèvres s'entrouvrent mais il est comme elle: rien ne sort parce que tout est trop fort. Ce que ses yeux disent, sa bouche n'ose pas le lui dire, ni le lui promettre. Parce qu'elle serait impossible à convaincre. Parce que le doute fait partie d'elle. Je t'aime, je t'aime comme je n'ai jamais aimé personne. Il l'embrasse. Je ne te quitterai jamais, parce que ma vie, maintenant, c'est avec toi. Il presse son torse contre sa poitrine nue. N'importe où, n'importe quand, toi, la mère de nos enfants. Ses mains caressent ses cuisses et il la soulève, la laisse s'enrouler autour de lui. Mourir pour toi, tu sais, ça ne veut rien dire, c'est trop facile. Il lui sourit. Moi, je pourrais vivre pour toi.

On lui avait parlé de l'amour, tant de fois. On l'avait fait espéré, rêvé. On l'avait bercé dans un rêve sans jamais lui dire la vérité. L'amour, c'est quelque chose de fragile. C'est quelque chose de jamais réellement acquis, jamais réellement gagné. Angeni, elle a toujours cru que le cœur de l'autre, il faut le mériter. Toujours. Qu'importe la présence, qu'importe les baisers et les promesses. Les mots blessent, elle le sait mieux que quiconque. Elle, à la naissance, elle est née avec une espèce de défaut de fabrication. Cet organe qui bat dans sa poitrine, il est trop grand, trop fragile. Il bat pour elle, mais aussi pour les autres, pour lui, pour Paco. Elle s'en souvient de la première fois qu'elle a posé ses yeux sur lui. Sur ce visage qu'elle savait qu'elle allait aimer comme jamais encore elle n'avait aimé. Ce visage qui s'était ancré en elle en un seul regard. Il lui en avait parlé de lui Iye. Tant de fois. Il lui avait vanté ses mérites et elle l'avait écouté avec ses deux grandes billes vertes sans jamais se lasser de ses histoires. Elle s'était faite une image de lui, l'imaginant quand elle était seule, se rappelant de tout ce que son meilleur ami avait prononcé un peu plus tôt. Alors qu'elle ne le connaissait pas encore, que seul un prénom et des louanges lui venaient en tête, elle s'entichait déjà. Et quand ses yeux se posèrent enfin sur le visage de cet ange qui lui apparaissait si souvent en tête, elle comprit que tout ce qu'elle avait pu imaginer n'était rien comparé à la réalité. Toutes ses rêveries ne comptaient pas, tout cet amour qu'elle ressentait pour un mirage n'avait rien de comparable à cette sensation nouvelle qui la tiraillait de toute part. Paco, elle le maintient à elle depuis ce jour-là. Elle le garde près d'elle, contre elle, tente maladroitement de le mériter, sans pour autant y arriver. Elle s'en veut de n'être pas aussi exceptionnelle que lui, pas aussi parfaite. Quand elle pose ses prunelles dans les siennes, elle n'en voit pas le fond. Son cœur gonfle et un sourire se dessine sur ses lèvres. Paco, c'est un trésor inestimable. Une merveille à protéger au prix de son propre bonheur, de sa propre vie. C'est cet être toujours observé de loin, qui ne fera jamais attention à elle. Alors Angeni, quand elle le sent près d'elle, elle ne peut pas s'empêcher de se considérer comme une sacrée chanceuse. Lui, qui avait toutes les filles à ses pieds en un sourire aguicheur, lui, qui n'avait qu'à dire un mot pour obtenir ce qu'il voulait, lui, qu'elle espérait voir apparaître dans son monde, au risque de se brûler les ailes à son contact.. C'est elle qu'il a choisi. Ses mots la touchent, lui font esquisser un léger sourire. C'est trop beau pour être vrai, qu'elle se dit souvent. Qu'il lui dise tout ça, à elle, c'est irréel. Elle ferme les yeux pour laisser ses caresses pénétrer en elle, venir guérir les blessures et estomper les doutes. Elle ne dira pas un mot, pas tout de suite. Par peur de gâcher l'instant avec des confessions qui n'égaleront jamais les siennes. C'est vrai ça, qu'est-elle censée dire pour être à la hauteur ? Elle n'a jamais été une grande bavarde, Angeni. Elle n'a jamais su poser les bons quand il le fallait. Ses pensées, tout ce fouillis incompréhensible, elle ne sait pas le retranscrire à voix haute. Parce que tout ce qu'elle ressent, c'est démesuré, c'est insensé. C'est trop fort, trop douloureux, trop merveilleux, trop traître, trop réel. L'amour qu'elle ressent pour lui n'en est pas réellement un. C'est beaucoup plus que ça. Elle-même ne sait pas réellement ce que c'est. Tout ce qu'elle sait Ange, c'est que maintenant qu'elle y a goûté, elle ne plus s'en passer. Elle ne pourra plus. Elle tourne légèrement la tête quand elle ne le sent plus contre elle. À trop rêver, elle s'est déconnectée de la réalité. Elle ne s'est pas aperçue qu'il était sous l'eau et quand il réapparaît devant-elle, elle est soulagée de ne pas l'avoir imaginé depuis son apparition. Elle l'écoute avec attention et son sourire s'agrandit. Ça la réconforte Angenie, de savoir tout ça. Même si elle le sait déjà au plus profond d'elle, que ses yeux lui disent sans cesse je t'aime et que ses lèvres se posent une nouvelle fois sur les siennes, elle est heureuse de l'entendre. Quand il l'embrasse Paco, elle se demande comment elle va faire pour se reculer. Elle appréhende le moment où il va stopper son baiser pour lui laisser un arrière goût d'inachevé dans la bouche. Paco, elle l'aime, beaucoup trop. Elle l'aime sincèrement, d'un amour invincible et qu'elle sait partager. D'un amour inégalé et puissant. Elle pose un instant ses mains sur celles qui se maintiennent à son cou et les fait lentement retomber quand il l'embrasse plus passionnément. Elles passent ses mains autour de lui alors que son corps se colle au sien et que ses jambes s'enroulent autour de lui. Sa langue joue avec celle de son compagnon, son cœur tambourine contre sa poitrine et ses yeux restent fermer pour ne pas être éblouis par la perfection. Le temps, elle voudrait qu'il s'arrête. Comme ça, juste pour eux. Elle voudrait avoir des pouvoirs magiques et arrêter de faire tourner la planète. Elle veut que cet instant soit éternel, que Paco soit toujours là, contre elle, ne voit qu'elle et n'aime qu'elle. Elle veut le couvrir de ses baisers, de ses caresses. Elle veut découvrir son corps comme la toute première fois. Elle veut l'aimer encore plus démesurément, quitte à perdre totalement la tête. Elle veut la maintenir contre elle. Elle veut ne faire qu'un avec lui. Elle veut faire partie de lui. Elle veut l'apprivoiser pour que jamais il ne s'échappe. Elle veut, elle veut.. « Fais moi l'amour. » Qu'elle murmure contre ses lèvres sans ouvrir les yeux. Fais de moi tienne. Fais de moi une partie de toi. Fais de moi tout ce que tu voudras. Fais de moi ta marionnette. Fais de moi quelqu'un à aimer.