L'esprit est vaporeux, porté par les alizés d'Andesquacaon. Le soleil brûle haut dans le ciel et l'azur est flamboyant. L'herbe est tendre, l'air est pur. Aujourd'hui, j'étais restée au village. Les odeurs entêtantes s'étaient mêlées, assemblées en parfaite harmonie pour me charmer. M'attendrir et me bercer. De mes yeux, j'avais observé les visages anciens. J'avais chéri leurs rides et la sagesse de leur aura. Les artisans quant à eux m'avaient captivé. Leurs mains, grandes parfois blessées, souvent usées étaient plus belles que les tableaux de mon passé. Elles étaient œuvres d'art et j'avalais leur beauté cachée en silence et dans le respect le plus profond. Vagabonder au cœur de la communauté et chérir les sourires mordorés, les esprits étoilés était comme un remède. Un cadeau divin. Le rire des enfants était une de ces mélodies douces et uniques qui m'apaisaient. En les écoutant, je n'ai pas pu retenir cette esquisse en forme de lune. Ce plaisir de l'âme. Cette tendresse soudaine. Une fois encore, le monde est beau et les tempêtes sont loin.

Mes pieds prennent la direction de Gontara. Là-bas, la jolie m'attend. Elle m'a invité. Ses iris irréels portent les cieux en eux. Dedans, on y voit parfois des étoiles mais plutôt souvent des dizaines de soleils et ces boules de lumière ne s'éteignent jamais. Du plus loin que je me rappelle, Sitka a toujours brillé et sa voix a le son des flûtes de pan. Ça doit être pour ça qu'elle parle si bien aux chevaux. Pour ça que le monde autour d'elle attrape pour quelques instants la douceur du ciel. Parfois je me demande à quoi elle ressemble lorsqu'elle s'assombrit. Lorsque les torrents chamarrés qu'elle m'évoque se ternissent. Je devine souvent des histoires aux gens. Des histoires qui n'existent que dans mon esprit embrumé par les contradictions et je laisse le temps décorer mes idées. Faire pousser, toujours un peu plus, la démesure. Peut-être aussi la démence. Je ne sais pas vraiment.

En traversant la forêt, l'air est moins dense. Plus imperceptible. Et pourtant, je le sens. Il efface tous les encens. Il purifie les méandres de mes chairs et les oiseaux laissent échapper des mots que l'oreille humaine ne peut comprendre entièrement. Mes pieds, bien connus d'Iha, murmurent à la terre les divagations qui emportent ma raison. La réalité me libère un peu de ses chaînes et j'ai l'âme sereine. C'est peut-être l'idée d'aller la retrouver. Sitka était princesse des chevaux. Je l'avais trop souvent observé de loin. Avec l'envie secrète et inavouée de vouloir la rejoindre. D'apprendre à caresser à nouveau l'encolure. De me jeter dans le regard similaire au mien. Celui sans pupilles. Noir et trop souvent incompréhensible.

Lorsque je l'ai rejoint, son visage s'est tourné vers le mien. À chaque fois et comme à l'habitude, j'étais tombée dans ses yeux. Comme un pouvoir secret, elle m'avait aspiré et je ne m'étais pas débattue. Le sourire est revenu. Il n'était pas très marqué. Il était discret mais il était bien là. Pour Sitka. « Bonjour jolie. » Le miroir du lac brillait beaucoup. Illuminait l'endroit d'une lumière presque vivante. Je n'étais pas très douée avec les phrases. Ni avec la voix. Le malaise pourtant n'existait pas. Je n'avais pas besoin de parler avec Sitka. Je n'avais pas besoin d'essayer d'être quelqu'un d'autre.